Le peuple Turkana face aux changements climatiques.

IMG 7968Phénomènes climatiques extrêmes : entre sécheresse extrême et pluies torrentielles

Retour sur notre visite au Kenya

  

Parmi tous les bénéficiaires que nous soutenons dans les projets, le peuple Turkana est le plus vulnérable.

Les Turkana sont une population de bergers autochtones (anciennement nomades) vivant principalement dans le comté de Turkana, dans le nord-ouest du Kenya, une région qui se trouve dans une zone extrêmement aride près du lac Turkana, un des lacs les plus salés du monde. Les problèmes auxquels ils sont confrontés sont d'une ampleur considérable et, malheureusement, encore trop méconnus.

L'une des difficultés majeures du peuple Turkana est l'accès limité à l'eau. En raison de leur situation géographique et de la rareté des précipitations (ils n’ont pratiquement pas vu de pluie depuis 3 ans), les ressources en eau sont très limitées dans cette région. Les membres de laIMG 7866 communauté doivent quotidiennement parcourir de longues distances pour trouver de l'eau, exposant ainsi les femmes et les enfants à bon nombre de risques et à des conditions insalubres.

En plus de la sécheresse, qui est un défi constant pour les Turkana, ceux-ci dépendent principalement de l'élevage de bétail pour leur subsistance, mais les périodes prolongées sans pluie rendent la terre extrêmement pauvre pour leurs pâturages et réduisent la disponibilité de l'eau pour le bétail. Ce phénomène climatique de plus en plus fréquent impacte directement la sécurité alimentaire et la nutrition des membres de la communauté Turkana, qui font face à la malnutrition et à la famine.

Se remettant encore de cette grande sécheresse des 3 dernières années, des pluies inhabituelles s’abattent depuis peu sur le Turkana, la côte Est du Kenya ainsi que sur la Somalie et l’Ethiopie provoquant de violentes crues des rivières. De nombreuses communautés doivent dès lors faire face à des inondations sévères. Des ménages risquent d’être emportés, les quelques terres agricoles submergées et le bétail noyé.

Ces phénomènes climatiques extrêmes devenant de plus en plus fréquent, Il est essentiel de trouver des solutions durables pour les aider à surmonter ces difficultés et à prospérer en tant que peuple « indigène ».

Le projet initié en 2002 est un programme mis en œuvre par le diocèse de Lodwar et soutenu par partage.lu ensemble avec le gouvernement luxembourgeois. Depuis 20 ans, le programme a touché le cœur de nombreuses personnes dans le comté de Turkana. L’introduction d’une agriculture durable près des rivières Turkwell et Kerio permet de nourrir de nombreuses familles et même de générer de petits revenus. Sur les vingt ans, le projet a pu permettre à environ 18.000 personnes de se nourrir eux-mêmes et de ne plus avoir recourt à l’aide alimentaire !

IMG 7856Le premier jour de notre visite sur le terrain, nous sommes allés visiter les champs de deux groupes du village Choroo qui se trouvent à deux pas de la rivière Turkwell. Lors de fortes pluies, la rivière risque d’inonder les champs et de détruire les récoltes. Comme il y a eu si peu de pluie les trois dernières années, les habitants nous expliquent vouloir continuer à travailler ces champs malgré ce risque. Les familles viennent donc y passer la journée pour labourer la terre sous un soleil de plomb.

Chaque année, diocèse de Lodwar distribue des arbres fruitiers (goyaves, manguiers, bananiers & papayes) pour +/- 600 ménages. Cette démarche va encore bien au-delà des bénéfices de l’agriculture. Le but est de renforcer l’agriculture, de diversifier la nourriture (constituée principalement de maïs et de sorgo) et de reboiser en même temps. Il s’agit d’un réel investissement. Ces arbres exigent moins de travail de récolte et de travail de la terre. Lors de notre visite nous nous sommes arrêtées dans un village pour voir dans quel état étaient les arbres fruitiers plantés il y a 11 ans. Nous avons été très heureuses de voir que les arbres ont bien grandi et se portent à merveille. Nous avons même pu goûter aux mangues fraîchement cueillies. Ceci atteste du succès de la plantation des arbres fruitiers.

Les villageois élèvent également une nouvelle race de chèvre « hybride » qui donne davantage de lait. Cette nouvelle race de chèvres est le résultat d’un croisement entre une chèvre locale et une chèvre de race Toggenburg. Ce projet pilote a été initié en 2007 et a montré qu’en croisant les chèvres de façon contrôlée, à la 3e génération de chèvres on a obtenu le résultat voulu, c’est-à-dire une chèvre qui donne trois fois plus de lait que les chèvres locales tout en étant adapté aux conditions climatiques de la région Turkana.  Nous avons visité un groupe de 30 bénéficiaires qui a reçu 3 chèvres Toggenburg pour les croiser avec leurs chèvres locales. Ces chèvres sont tagguées par un bouton d’identification dans l’oreille. La reproduction contrôlée était un élément clé de la formation des bénéficiaires en 2022 et 2023. Ceci incluait la nécessité de « tagger » les chèvres pour qu’on puisse exactement savoir qui reproduire avec qui, car la reproduction « sauvage » ne donne pas nécessairement les résultats voulus au niveau de la production de lait des chèvres « hybrides ».  

Depuis 2023, le même groupe de 30 personnes dispose désormais de 5 ruches installées au sein de leurs plantations. La composante apiculture a été introduite dans les communautés de Choroo, Napak et Nawaotom dans le sous-comté central de Turkana. Les participants identifiés ont suivi une formation de base à l'apiculture qui a été facilitée par les experts de Nairobi de la Hives Company en collaboration avec le gouvernement kenyan.

Cependant, les 5 ruches ne produisent pas assez de miel pour donner de bons revenus à l’ensemble des 30 personnes dans le groupe. L’argent de la revente est mis en réserve dans les comptes du groupe jusqu’à atteindre un montant assez conséquent, peut-être pour la distribution, mais selonIMG 7901 notre partenaire, il sera dédié à l’achat de nouvelles ruches pour le groupe. Le but étant toujours que les familles s’approprient eux-mêmes le projet et qu’ils deviennent autonomes.

Le miel récolté au Turkana est apparemment d’excellente qualité et même parmi les meilleurs du Kenya ! Il y a un bon marché pour le miel qui se revend assez facilement.   

383083156 3555121434727614 164428364231906212 n« Les conséquences du changement climatique se font davantage sentir ces dernières années. Nous faisons face à une accumulation de phénomènes extrêmes. Il n’y a plus de climat normal, stable. Ceci rend les populations locales encore plus vulnérables ! En plus, auparavant, une seule activité du projet, comme par exemple, les chèvres ou l’agriculture, permettait d’augmenter la résilience des bénéficiaires, mais maintenant on s’aperçoit que ce n’est plus nécessairement suffisant. Avec les chèvres, les bénéficiaires pouvaient trouver les moyens pour surmonter une période de sécheresse et continuer à alimenter les chèvres, mais avec 3 périodes de sécheresses successives, cela devient difficile. La même chose pour l’agriculture, en période de sécheresse, ils pourront gérer grâce au puits, mais quand nous avons des pluies torrentielles, une bonne partie des récoltes sont perdues si les champs sont inondés. Et l’agriculture se fait sur une bande de 1 à 5 km le long de la rivière, car c’est là qu’on trouve de l’eau en faible profondeur dans le sol. Il y a 15 années, cette bande était encore large de 8 km, mais elle s’est rétrécie avec les périodes de grande sécheresse répétitives. En plus c’est justement près de la rivière que le risque d’inondation en cas de pluies torrentielles est très élevé. Comme dernièrement nous ne connaissons plus que des phénomènes climatiques extrêmes (grande sécheresse ou pluies torrentielles) nous avons commencé à allier les activités chez les mêmes groupes de bénéficiaires pour augmenter leur résilience de façon durable, même avec les effets du changement climatique. » explique Willimena, responsable du projet au niveau local.

Le jour suivant, notre partenaire nous a conduit au lac Turkana à Lokipetot pour voir les activités de pêche. Cette composante du programme vise les pêcheurs le long du lac Turkana et les communautés ciblées sont Lokipetot à Eliye spring et Apokorit à Kerio. Le programme touche directement 750 pêcheurs et indirectement 3.750 personnes dans les ménages des pêcheurs. Les communautés de pêcheurs ont eu une saison moyenne à cause du manque de pluies. Les prises de poissons aux deux endroits ont été moyennes et les pêcheurs ont juste pu subvenir aux besoins de base de leurs familles.

IMG 7913Les pêcheurs nous ont exprimés être très satisfaits de leur travail, mais ils espèrent pouvoir acheter un à deux moteurs pour leurs bateaux afin de pouvoir aller jusqu’au milieu du lac où les eaux sont plus profondes. En effet, les pluies torrentielles des années 2019 et 2020 ont fait monter le niveau du lac. Ceci a comme effet que les eaux profondes où on trouve le plus de poissons, sont encore plus éloignées des rivages.  Régulièrement, certains pêcheurs se trouvent en difficultés avec leurs pirogues quand ils se trouvent face à des courants très forts. Un bateau motorisé leur permettrait aussi d’aller secourir leurs confrères.

Plus tard, dans la journée, nous avons rencontré les femmes qui bénéficient de microcrédits à Elye et à Lodwar. La plupart ont un petit commerce comme une épicerie, un magasin de vente de cheveux ou de vêtements de seconde main. Elles ont toutes remboursé le premier crédit (10000 KES, c’est-à-dire environ 80 €)) et ont reçu un 2e crédit de 15000 KES. Mais, les femmes se plaignent que le laps de temps pour rembourser ce crédit est trop court (5 mois) surtout au sein du village de Elye, où les ventes ne se font pas au même rythme qu’à Lodwar. Ensuite elles disent que, à la suite de la hausse des prix, les montants reçus sont trop petits pour être vraiment efficaces. Willimena, la coordinatrice de projet, est en train de réfléchir s’il est possible d’augmenter les montants des microcrédits sans causer un surendettement des bénéficiaires. Les communautés restent toujours intéressées par la création de nouveaux petits commerces ou par l'expansion de leurs commerces existantes. Une fois ces communautés intéressées par la création d'entreprises individuelles identifiées, les agents de terrain organisent une formation en entrepreneuriat de 3 jours pour ces communautés et les accompagnent ensuite dans la création de leur commerce. 

386863943 365853229297891 1356755485694986647 nPour conclure, nous pouvant dire que les résultats généraux des rapports de terrain pour l'année 2022 ont montré un bon impact du programme dans les zones ciblées. Notre visite sur place a confirmé ceci, mais a aussi montré que les effets du changement climatique se font sentir de plus en plus fortement dans cette région. Ceci rend le peuple Turkana encore plus vulnérable et nous montre que, pour augmenter leur résilience, nous devons continuer à soutenir le programme du Diocèse de Lodwar.

 


vertical 2021 

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